A propos des Demodex et de la démodécie
Les parasites Demodex sont des acariens microscopiques qui vivent le plus souvent dans le follicule pileux et parfois à la surface de la peau.
Demodex canis, adulte vu au microscope (Kalumet).
Ce sont des parasites très fréquents, même chez l'Homme. La plupart d'entre nous en porte au niveau des cils et des sourcils, sans aucune conséquence. Les Demodex peuvent par contre être à l'origine de graves problèmes de peau chez le chien, et plus rarement chez le chat. On parle alors de démodécie.
En fait, il existe plusieurs espèces de Demodex, chacune étant parasite d'un hôte précis. Ainsi Demodex folliculorum est parasite de l'Homme, Demodex canis du chien, Demodex cati et gatoi du chat. A noter qu'il n'existe pas de contamination croisée (ni entre espèces animales différentes ni entre un animal et l’homme) : ainsi un chien ou un chat atteint de démodécie ne peut pas la transmettre à son propriétaire.
Mode de vie des parasites Demodex
Ces parasites vivent pour l'essentiel dans les follicules pileux, où ils se nourrissent du sébum (sécrétion grasse de la peau) et des squames (cellules mortes). Ils se reproduisent à la surface de la peau. Le mâle meurt après l'accouplement alors que la femelle se réfugie dans un follicule et y pond une vingtaine d'œufs. Le développement en un nouveau parasite adulte demande environ 2 semaines.
La contamination des animaux se fait lors des premiers jours de la vie. Les nouveaux nés, ayant peu de défenses immunitaires, s'infestent au contact de leur mère, bien souvent porteuse de parasites. Les acariens s'installent d'abord dans les follicules pileux de la face, puis peuvent progressivement coloniser le reste du corps.
La transmission de Demodex entre hôtes adultes de même espèce a longtemps été considérée comme impossible. Cependant, Demodex gatoi, parasite du chat vivant principalement dans la couche cornée de la peau, peut être transmis directement d'un chat à un autre. D'une manière générale, il faut considérer que la démodécie (c'est-à-dire une multiplication incontrôlée des Demodex) ne se développe que chez des animaux présentant une déficience des défenses immunitaires. Chez l'animal adulte, la transmission du parasite, quand elle existe, ne peut se faire que vers un animal ayant une maladie débilitante.
La démodécie chez le chien
La plupart des chiens sont porteurs de Demodex, mais peu d'entre eux développent des lésions de démodécie. Suivant les individus, la maladie prend plusieurs formes, avec des indices de gravité variables.
La forme bénigne de la démodécie
Dans la plupart des cas, la démodécie n’est pas une maladie grave. La présentation la plus fréquente de la maladie est la forme localisée, dite démodécie canine localisée. Elle se présente sous l'aspect de zones dépilées recouvertes de pellicules, pouvant apparaître sur l'ensemble du corps dont parfois le pourtour des yeux, donnant un aspect "en lunettes". Attention cependant, des lésions similaires se rencontrent dans d'autres affections cutanées plus fréquentes, comme l'atopie par exemple. Une perte de poils autour des yeux n’est donc pas synonyme de démodécie.
Démodécie de la face chez un jeune chien
(photo C. Lebis).
Cette forme bénigne atteint surtout les jeunes chiens de moins d’un an, dont les défenses immunitaires ne sont pas encore très efficaces, mais est aussi observée chez des animaux un peu plus âgés, souffrant d'une baisse passagère de l'immunité. Dans la plupart des cas, la guérison survient naturellement au bout de quelques semaines.
La forme grave de la démodécie
On parle de démodécie canine généralisée quand les lésions cutanées se multiplient ou s'étendent à l'ensemble du corps. Cette évolution peut apparaître aussi bien chez le jeune que chez l'adulte, et traduit généralement un sérieux problème de défenses immunitaires dont l'origine peut être génétique, du à une autre maladie (trouble hormonal, diabète, cancer, infection...) ou encore à un traitement médical immunosuppresseur (cortisone, chimiothérapie…).
Démodécie généralisée chez un chien
(photo Julie Knicely).
Les lésions de démodécie généralisée sont non seulement plus étendues que lors de démodécie localisée, mais elles sont aussi plus graves. Il se forme des croûtes et des pustules, et une surinfection par des bactéries est de règle. A terme, l'état général est atteint (abattement, amaigrissement, insuffisance rénale, septicémie) avec risque de mortalité.
La démodécie des pattes
Il s'agit d'une forme particulière de démodécie, invalidante pour l'animal, difficile à diagnostiquer et à traiter. Lors de démodécie des pattes, appelée également pododémodécie ou pododermatite démodécique, les acariens se développent essentiellement dans les follicules pileux situés entre les doigts, y créant des fistules et des abcès. C'est évidemment douloureux pour l'animal et nécessite un traitement soigneux.
La démodécie chez le chat
La démodécie est plus rare chez le chat que chez le chien, mais son aspect est comparable. Il existe des formes localisées bénignes, se traduisant par une perte de poils surtout autour de l'œil, et des formes généralisées plus graves. Les formes graves sont observées en général chez des chats âgés ayant une maladie intercurrente qui abaisse leurs défenses immunitaires : infection par les virus de la leucose (FeLV) ou de l'immunodéficience (FIV), diabète, trouble hormonal, cancer…
La démodécie à Demodex gatoi, parasite vivant dans la couche cornée est un peu différente : des formes extensives sont observées en dehors de toute maladie sous-jacente, et se traduisent pas des rougeurs et un léchage intensif. Par ailleurs, cette forme de démodécie est contagieuse aux autres chats.
Diagnostic et traitement de la démodécie
Diagnostic
La base du diagnostic de démodécie est l'examen au microscope d'un prélèvement cutané. La méthode la plus fréquente consiste à racler la peau de l'animal jusqu'au sang (ça ne fait pas bien mal en fait) pour récupérer les Demodex et les observer entre lame et lamelle. Deux autres méthodes peuvent être utilisées : l'arrachage de poils (souvent les Demodex y restent accrochés) ou encore l'apposition de bande collante sur un pli de peau compressé. Le diagnostic de démodécie n'est posé que si d'une part des Demodex sont observables au microscope, et que d'autre part, ils sont nombreux. Comme la plupart des animaux sont porteurs de Demodex, l'observation de quelques parasites isolés ne peut pas être considérée comme la preuve d'une démodécie en cours.
Demodex canis observé au microscope après raclage cutané (photo Joel Mills).
Le cas des pododémodécies est plus complexe, car les parasites sont enfouis très profondément entre les doigts, et il est difficile de les y trouver. C'est pourquoi il est recommandé en cas de doute de pratiquer une biopsie et un examen histologique. En clair, il est nécessaire de prélever un morceau de peau sous anesthésie et de l'envoyer à un laboratoire spécialisé.
Traitement
Le traitement de la démodécie se décide au cas par cas :
- La démodécie localisée n'a pas besoin d'être systématiquement traitée. Cependant, si les lésions sont nombreuses ou tendent à augmenter, il est préférable de mettre en place un traitement pour éviter l'évolution vers une forme plus grave.
- Les animaux souffrant de démodécie généralisée doivent absolument être traités, en tenant compte de l'infection bactérienne secondaire et en recherchant la cause du déficit immunitaire à l'origine de l'extension de la maladie. Si un problème sous-jacent existe, il faut également le prendre en charge quand cela est possible.
Jusqu'à peu, le traitement de la démodécie était long, parfois pénible et onéreux : application cutanée de produits toxiques, prise quotidienne de médicaments pendant plusieurs mois… De nouvelles molécules très prometteuses, récemment apparues sur le marché, devraient rendre ce traitement beaucoup plus facile.
Prévention de la démodécie
Puisqu'il est impossible de prévoir si un chien va développer une démodécie ou non, un traitement préventif n'aurait pas de sens. Par contre, dans certaines races de chiens, des lignées sensibles à la démodécie ont été identifiées, la prédisposition à la maladie étant la conséquence de troubles génétiques héréditaires de l'immunité. C'est pourquoi il est conseillé de ne pas faire faire de petits aux chiens issus de ces lignées et ayant fait une démodécie généralisée, et de retirer leurs parents de la reproduction.